vendredi 27 mai 2011

Immigration : le Canada, le nouvel eldorado des Africains - Par Gaynde

Aujourd’hui, la question de l’émigration des Africains à l’étranger est aussi vaste que la diversité des populations qui s’engagent dans cette aventure périlleuse et les raisons qui sous-tendent cet exode. Partir de chez soi vers d’autres horizons pour bâtir sa vie et laisser derrière soi des années passées auprès des siens est un acte de courage à l'issue incertaine. Est-ce la vision d'un certain idéal que l'on se fait d’un nouveau monde qui nous pousse à plier bagages pour aller voir ailleurs ?

La quête de nouvelles opportunités d’emplois et de meilleures conditions de vie sont autant de raisons existentielles suffisantes pour émigrer. Parfois nous n’avons pas le choix. Il faut partir pour trouver refuge, partir pour avoir la vie sauve car son environnement est devenu malsain et invivable. Les conflits font des ravages avec leurs cortèges de déplacés vers des destinations incertaines. D’autres empruntent des embarcations de fortunes, et en dépit des dangers qui les menacent, s’obstinent à vouloir traverser les hautes mers. Pour eux, l’optimisme d’un avenir peut-être meilleur s’est changé en un fatalisme qui défie toute rationalité. Coûte que coûte, il faut traverser les vagues au péril de sa vie. Pour ces aventuriers, il est hors de question de continuer à vivre la vie de débauche dans leur pays d'origine.

Ainsi, nombreux sont les Africains qui partent des campagnes vers la ville pour tenter leur chance, d’autres réussissent à partir de leur pays vers d’autres cieux. Plus traditionnellement, nous connaissons l’Europe et ses anciennes métropoles coloniales comme Paris, Londres, Bruxelles ou encore Lisbonne. Depuis lors les immigrants africains ont afflué vers des quartiers qui se sont ghettoisés avec le temps, et d’autres ont réussi tant bien que mal à devenir des membres intégrés de leurs sociétés d’accueil.

Outre atlantique, plusieurs villes d’Amérique du Nord comme New-York ou Washington DC sont des chefs-lieux de l’immigration africaine. Ceci étant depuis une vingtaine d’années le Canada est aussi une des destinations privilégiées dans le choix des Africains. Les stéréotypes véhiculés des hivers insoutenables durant lesquels les doigts peuvent gelés sur place n’ont pas pour autant découragé cette immigration relativement récente qui cherche à se faire une place dans ce pays dont la superficie est la deuxième plus grande du monde. Reconnu comme terre d’immigration depuis sa fondation en 1867, le Canada est un creuset multiethnique et multiculturel qui s’est constitué au fil des vagues d’immigration venues d’Europe.

Habité à l’origine par les indiens des Amériques plus communément appelés les Premières Nations (Algonquins, Iroquois, Cree…) le Canada commença à se dévoiler aux explorateurs et aux commerçants de fourrure à partir du 16e siècle. Un peu plus tard vers 1600-1605, le mystérieux Mathieu da Costa, navigateur de l’explorateur Samuel de Champlain et interprète, fut le premier Africain qui foula le sol canadien. Voyageur aventurier ou pirate repenti, d’où lui venaient ses connaissances géographiques du nouveau monde ?

Les annales de l’histoire canadienne expliquent difficilement jusqu’à nos jours le fait qu’il parlait plusieurs dialectes amérindiens et qu’il connaissait déjà le savoir-faire commercial qui permettait les échanges avec les indigènes mais nul ne peut ignorer sa contribution indispensable à l’établissement des comptoirs européens au Canada. Aussi, de nombreuses questions exigent d’être élucidées quant à l’arrivée des Africains au Canada depuis le temps de Mathieu da Costa. Historiquement le Canada ne fut jamais totalement impliqué dans la Traite transatlantique des esclaves.

Les réticences du gouvernement canadien à reconnaitre son rôle passé dans ce trafic humain se sont toujours traduites par un discours minimaliste. Par exemple les esclaves africains étaient officiellement considérés des servants au même titre que les Amérindiens, donc ils n’étaient pas de la même condition que les Africains aux Etats-Unis ou aux Antilles. Ce genre d’artifice discursif a pendant longtemps handicapé l’historiographie de l’immigration des Africains au Canada bien que les épisodes les plus saillants aient réussi à faire leurs marques en dépit de tout.

Sous la tutelle de la Couronne britannique les Black Loyalists, ces esclaves africains qui avaient combattu pendant la guerre d’indépendance américaine sur promesse de leur émancipation et d’un pécule, migrèrent au Canada vers 1782-1783 après la victoire des séparatistes. Ils constituèrent la première vague d’immigrants d’ascendance africaine au Canada. En 1792 en provenance de la Jamaïque une communauté de Neg’Marrons, ces farouches combattants de la liberté, débarqua des navires britanniques en Nouvelle-Ecosse dans l’Est du Canada.

Après leur capture ils avaient été conduit jusque là pour être soumis au travail forcé mais leur résistance et leur insoumission même en territoire canadien leur values d‘être déportés sur leur terre mère, l’Afrique, au grand dam des autorités britanniques. Ce sont près de 1.200 esclaves africains venant du Canada qui s’installeront en Sierra Leone à la fin de l’année 1792 constituant ainsi la première communauté Kriol du pays.
La seconde immigration d’Africains et d’esclaves d’ascendance africaine au Canada aura lieu entre 1795 et 1840 lorsqu’un réseau clandestin de communication, de routes camouflées dans les marais et les montagnes, de personnes-ressources, appelé le Underground Railroad, s’établira depuis la rivière Mississipi jusqu’au Canada.

Il permettra à des milliers de fugitifs de traverser la frontière et de venir s’installer au Canada. Des communautés afro-canadiennes vont naitre de cette immigration clandestine dans les provinces de l’Ontario et de la Nouvelle-Ecosse principalement, dont Africville près de Halifax dans ladite province de Nouvelle-Ecosse, qui restera l’une des communautés les plus célèbres. A titre d’indication ce survol historique donne un aperçu des divers chemins qu’a emprunté l’immigration africaine au Canada depuis le 17e siècle. Il permet de constater que les Afro-canadiens ont une trajectoire certes distincte mais très proches de celles des esclaves déportés aux États-Unis et aux Antilles. La population d’ascendance africaine aura toujours constitué près de 1% à 2% de la population totale au Canada. La lente gestation et l’éclosion de cette identité composite sur plusieurs siècles va s’intégrer tant bien que mal dans la carte démographique et sociale du pays.

Le racisme flagrant et la discrimination des populations blanches envers les Afro-canadiens (qu’ils soient des Africains ou des descendants d’esclaves) vont les reclure aux derniers rangs des échelons socio-économiques. Les Afro-américains fuyant l’ère de discrimination aux Etats-Unis à partir de 1860, qui s’installeront dans les provinces de l’Alberta ou du Saskatchewan dans l’Ouest canadien seront ostracisés par les populations locales. Entre autre Africville mentionnée ci-haut deviendra par décision administrative le dépotoir principal de la ville de Halifax.


Les conditions d’insalubrité et le manque d’approvisionnement en électricité, en eau potable seront des conséquences du dédain exprimé par les autorités envers des citoyens canadiens d’origine africaine. Africville fermera au début des années 1960. Il faudra attendre les changements des lois de l’immigration canadienne en 1967 pour que le Canada représente de nouvelles opportunités pour les étrangers qui s’y installent. Le gouvernement passera de l’ancien système de préférence blanche européenne pour l’immigration, au système de points en vigueur jusqu’aujourd’hui. Les critères plus impartiaux tels que: parler l’une des deux langues officielles (anglais ou français), ne pas être trop jeune ou trop vieux pour travailler, entreprendre une démarche de recherche d’emploi, avoir un proche ou un membre de la famille qui y réside légalement, avoir un niveau de scolarisation satisfaisant….s’évaluent sur une échelle de 0 à 15 points et permettent de déterminer l’admissibilité au pays.

Plus précisément, en 1978 de nouvelles catégories d’immigrants sont pris en compte, à savoir les réfugiés, les familles, les immigrants indépendants… et à partir des années 1980, les investisseurs. Les difficultés économiques et politiques accentuées par la crise des ajustements structurels de la décennie 1980-1990 vont occasionner l’émigration des Africains pour le Canada. Ce sont donc principalement des immigrants avec un certain niveau de scolarisation et professionnalisation et qui cherchent une meilleure situation, ou alors des réfugiés fuyant les instabilités structurelles et conjoncturelles qui s’installeront à partir des années 1980 surtout dans les métropoles de Toronto, Montréal et Vancouver.

L’immigration des Africains restera faible par rapport aux autres pays, elle est dite non-traditionnelle. Des difficultés qui surgissent quant au logement pour les nouveaux arrivants se répercutent sur l’intégration sociale, en plus de la discrimination à l’emploi. Jusqu’à nos jours les questions de la reconnaissance des compétences et de l’équivalence de diplôme restent épineuses car le marché du travail très souvent exige un cursus académique et une expérience professionnelle canadienne. Avec un niveau d’éducation généralement élevé, près de 40% des Africains ont un revenu faible selon le bureau canadien des statistiques.

Le lot de l’immigration africaine au Canada n’est pas des plus complaisants mais néanmoins ils se font une place dans plusieurs domaines tels que le vêtement, la restauration, les assurances, les services financiers, l’ingénierie, l’immobilier, l’enseignement et la recherche mais aussi les entretiens ménagers, les manufactures…. Ainsi les communautés africaines au Canada depuis les années 1990, dont les majorités proviennent du Kenya, de la Tanzanie, de l’Ethiopie, de la Somalie, du Ghana, de l’Algérie, du Maroc, de l’Afrique du sud, de l’Ouganda et du Nigeria entre autres; se retrouvent principalement dans les provinces du Québec où résident près de 20% des Africains, de l’Ontario où résident près de 60% des Africains, de la Colombie britannique où résident près de 10% et autant en Alberta.

Selon Statistiques Canada, plus de 75% des Africains qui ont immigré au canada entre 1996 et 2001 se sont installés en Ontario et au Québec. En 2001, il y avait 300.000 Canadiens d’origine africaine et bien que la majorité soit née à l’extérieur du pays, près de 60% sont arrivés dans les années 1990 contre 31% dans les années 1980 et 6% dans les années 1960. L’évolution de l’immigration africaine au Canada s’est faite sur plusieurs phases historiques et successives. Souvent occultée par les recueils d’histoire autant en Afrique qu’au Canada pour des motifs de discrimination ou parfois de simple méconnaissance des faits, ladite présence africaine a grandement contribué à la structuration démographique de ce pays d’accueil. Toujours est-il que les questions sur l’identité afro-canadienne sont plus que jamais de vigueur.

Elles ne se posent pas de la même manière qu’aux Etats-Unis par exemple ou l’on parle d’Afro-américanisme. La rencontre dans ce pays d’immigration qu’est le Canada, des populations d’origine africaine venant des Caraïbes, de l’Amérique latine ou des Etats-Unis, avec les Africains continentaux ; fertilise des débats qui sont déjà plusieurs fois centenaires. Il y a-t-il donc des Africains au Canada ou bien des Afro-canadiens ? Qui est plus Africain que Canadien et vice versa; plus spécifiquement lorsque la Traite transatlantique déporta des millions d’Africains aux Amériques et que certains d’entre eux s’installèrent au Canada, comparativement à la diaspora plus récente occasionnée par les changements de lois de la fin des années 1960 ?

En contrepartie, plus récemment la présence canadienne en Afrique par le biais de la coopération internationale va soumettre de nouvelles réflexions concernant les relations entre le Canada et l’Afrique. En perspective, la politique étrangère canadienne donne priorité au plan d’action du G8 et à l’application des mesures préconisées par le NEPAD et force est de constater que l’émigration africaine actuelle va de pair avec la libéralisation des économies et de ses effets.

Ceci étant, là-bas sur le continent, en ce moment même, des candidats à l’émigration scrutent l’horizon pour une vie meilleure. Ceux qui auront les moyens viendront se confronter aux réalités de l’immigration au Canada et ceux qui auront moins de chance prendront la chaloupe de fortune cette nuit, à leurs risques et périls, pour traverser la mer et partir loin de chez eux……

Gaynde

1 commentaire:

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